L’hospitalité existe encore
Le Vendredi 18 juillet 2025
Ils ont une chambre, une annexe ou juste un canapé disponible. Surtout, ils ont du cœur. De nombreux retraités ont choisi d’ouvrir leur maison à des personnes en difficulté. Une aventure humaine, généreuse… et souvent enrichissante. À découvrir.
Une retraite à ne rien faire ? Très peu pour Véronique et Jean-Paul Faydi ! Dans le cadre de l'association Mécénat chirurgie cardiaque, ce couple marseillais accueille depuis 2013 des enfants qui souffrent de malformations cardiaques lourdes et ne pouvant être opérés chez eux. Les petits malades arrivent en France sans leurs parents.
Dès le début, il faut instaurer un climat de confiance et les réconforter après des examens médicaux compliqués, témoigne Véronique. Ensuite, nous sommes là pour les accompagner pendant leur convalescence avant qu’ils ne repartent. Il faut une totale disponibilité et, idéalement, être deux pour se relayer car ce sont deux mois intenses, mais tellement riches !
Un pas vers l’inconnu
Que ce soit pour accueillir un enfant malade, héberger un réfugié ou recevoir une personne âgée isolée, toutes ces initiatives ont en commun d’être sur la base du volontariat et de placer l’hospitalité au cœur de la relation. « Une chose est de recevoir des amis ou des personnes que l'on connaît ; autre chose est d'ouvrir sa porte, voire d'héberger un inconnu, un étranger, un voyageur… », souligne Michel Agier, ethnologue et anthropologue, directeur d’études à l’Ehess*.
La démarche intérieure n’est pas la même. D’autant que les formes d’engagement varient d’une génération à l’autre. « On voit souvent des différences d'approche entre les jeunes militants et les personnes plus âgées engagées dans des associations traditionnelles. Les uns sont plus politisés, les autres plus tournés vers l'aide concrète », analyse Michel Agier.
Mais au fond, qu’est-ce qui pousse à cet élan d’hospitalité avec de parfaits inconnus ?
La cause a ses raisons…
Dans son livre L’étranger qui vient. Repenser l’hospitalité, Michel Agier donne trois grandes raisons qui reviennent souvent dans le discours de ceux qui accueillent. La première est une réaction à la souffrance des autres ; devenue insupportable, elle mène à passer à l’action. Beaucoup mettent également en avant l’assimilation à une histoire familiale : eux-aussi (ou leurs ancêtres) ont été des migrants et veulent redonner en retour. À l’inverse, la différence est aussi invoquée, considérant que l’autre incarne « tout ce que je ne suis pas ».
L’hospitalité est alors vécue comme un échange capable d’opérer un changement profond et bénéfique pour chacun. « Ouvrir sa porte, c’est d’abord un geste qui demande un travail sur soi, une volonté de comprendre l’autre. On ne peut pas dire que les discours actuels soient très favorables à l’hospitalité. Aussi, ceux qui ne sont pas gagnés par la peur et le repli sur soi et se montrent solidaires sont courageux », note Michel Agier.
Des associations en soutien
Face aux enjeux actuels, l’accueil se réinvente et se fait de moins en moins seul. Depuis la crise migratoire, de nombreuses associations se mobilisent pour accueillir et intégrer les réfugiés - y compris sur les réseaux sociaux, qui ne sont pas seulement des vecteurs de haine, mais servent aussi à créer du lien. En France, l’association J’accueille a développé tout un dispositif, via sa plateforme dédiée, pour faire se rencontrer « locaux » et nouveaux arrivants. Les foyers qui acceptent d'ouvrir leur porte sont guidés et soutenus tout au long de l’accueil (entre trois mois et un an). J’accueille travaille avec des spécialistes de l’action sociale qui accompagnent à la fois les accueillants et les accueillis.
De la même façon, il est possible de participer à des actions pour favoriser l’accès aux vacances pour tous en accueillant un enfant ou une personne handicapée durant l’été chez soi, ou encore d’inviter une personne âgée vivant seule et passer un moment avec elle. Là encore, les associations comme le Secours populaire, APF France Handicap ou les Petits frères des pauvres aident à franchir le pas.
Accueillir, c’est semer des graines de bonheur.

Témoignage
Bernard Medina, 70 ans, retraité à Talence, en Gironde
Avec ma femme Susan, d’origine américaine, on avait l’habitude d’héberger des étudiants. Mais la guerre en Ukraine nous a poussés à aller plus loin. Grâce à l’association J’accueille, nous avons accueilli El Hafed, un jeune Sahraoui qui fuyait l’oppression. L’expérience a été beaucoup plus profonde… Nous avons partagé sa culture, des rires, des silences, des moments de vie simples, mais tellement précieux, comme une famille !
L’accueil ne s’improvise pas : il y a des démarches et un cadre à respecter pour que tout se passe pour le mieux. L'association nous a guidés à chaque étape. Aujourd’hui, El Hafed a un emploi, un logement, et continue de venir nous voir régulièrement. C’est une aventure humaine extraordinaire et une magnifique façon de semer chez nos petits-enfants les valeurs essentielles de solidarité et d’ouverture au monde.
POUR ALLER PLUS LOIN
- Association Mécénat cardiaque : mécénat chirurgie cardiaque, pour accueillir un enfant malade du cœur en attente d’une opération.
- Association J'accueille : le dispositif de l’association J’accueille (membre du réseau Singa) pour devenir accueillant et héberger des réfugiés.
À LIRE
- Racisme et culture. Explorations transnationales, Michel Agier, éd. Seuil, 2025
- Les migrants et nous, Éloge de Babel, Michel Agier, éd. CNRS, 2023 (2è édition)
- L'étranger qui vient. Repenser l'hospitalité, Michel Agier, éd. Seuil, 2018 et Points poche, 2022