Lutter contre les inégalités de santé: quelles solutions ?
Le Mercredi 12 février 2025
Maisons de santé, cabinets itinérants, pharmaciens et infirmiers aux compétences élargies... pour faire face à la pénurie médicale, les professionnels de santé et les associations se mobilisent pour remédier aux problèmes.
Désolés, nous ne prenons plus de nouveaux patients.
Cette phrase, de nombreuses personnes en quête d’un médecin traitant l’ont entendue. Selon une étude de la Mutualité Française, 65 % des médecins ont déclaré être amenés à refuser de nouveaux patients en 2022, contre 53 % en 2019.
Comment l’explique-t-on ? Par des départs à la retraite sans successeur, notamment, et par l’augmentation des besoins de soins de la population française. Dans certaines zones rurales ou semi-urbaines, il faut parfois faire plusieurs dizaines de kilomètres pour avoir accès à un médecin ou un spécialiste (dentiste, ophtalmologue, dermatologue…).
Certains patients renoncent à se soigner
Même les grandes villes ne sont pas épargnées. Alors que Paris concentre un tiers des généralistes franciliens, la grande couronne enregistre une baisse de 10 % du nombre de professionnels de santé sur la période 2011-2022, selon l’agence régionale de santé (ARS).
Déclarer un médecin traitant auprès de l’Assurance maladie est pourtant un préalable pour entrer dans le parcours de soins coordonnés. Les risques à ne pas en avoir sont donc multiples : remboursement moindre, qualité de la prise en charge diminuée… Ce qui entraîne parfois des situations de renoncement aux soins et de perte d’autonomie prématurée faute d’accompagnement.
Favoriser le travail en équipe
Face à ce constat, de nouveaux modèles de santé sont explorés, au plan national mais aussi à l’échelle locale. Lieux de soins pluridisciplinaires, les maisons de santé ont pour objectif de créer une offre de soins la plus large possible : médecins, infirmiers, kinésithérapeutes, mais aussi ophtalmologues ou chirurgiens-dentistes. Implantées plutôt en milieu rural, elles jouent un rôle important dans la lutte contre les déserts médicaux1. La continuité et la coordination des soins entre professionnels sont un atout. De plus, les dépassements d’honoraires sont rares.
La revalorisation du travail des pharmaciens est aussi une piste. Une expérimentation en ce sens a lieu en Bretagne, impliquant l’agence régionale de santé de la région. Dans ce cadre, 74 officines prennent en charge les petits maux du quotidien2, ce qui limite le recours aux médecins.
Un médecin peut aussi former un binôme avec un(e) infirmier(ère) en pratique avancée (IPA) qui effectue des actes de prévention et de suivi des patients atteints de certaines pathologies : diabète, maladie d’Alzheimer ou de Parkinson, AVC…
L’essor des centres médicaux de soins immédiats
À la manière jadis des dispensaires pour les petits soins courants, les centres médicaux de soins immédiats (CMSI), accessibles sans rendez-vous, ont vocation à répondre aux petites urgences. L’objectif est d’éviter que les urgences soient submergées par ces consultations qui nécessitent du temps mais qui sont destinées à de petits maux. Près d’une quarantaine sont actuellement implantés sur le territoire.
Pour savoir si un CMSI se trouve près de chez vous : www.cmsifrance.fr
Chiffres clés
6,7 millions de Français n'ont pas de médecin traitant
37% des Français vivent dans un désert médical (zone sous-dotée en offre de soins)
50% des Français ont renoncé, ces dernières années, à des soins pour des raisons financières
Parier sur la télémédecine ?
Avec la téléconsultation (des consultations par écrans interposés), le patient n’a plus besoin de parcourir de longues distances ni d’attendre plusieurs semaines avant d’obtenir un rendez-vous. Un délai d’un jour suffit pour consulter un médecin généraliste à distance, contre trois jours en cabinet3. Sans parler des économies réalisées en matière de transport sanitaire et de personnel, notamment dans les établissements médico-sociaux ou les Ehpad.
La téléconsultation est aussi pratique pour renouveler des ordonnances et traiter de petits symptômes. Des applications mobiles comme Qare ou Livi facilitent la prise de rendez-vous auprès d’un praticien formé spécifiquement à cette pratique. L’accès et le paiement y sont sécurisés.
Mettre l’innovation au service de la santé, c’est l’ambition de l’association Assist créée en 2021 par un partenariat entre la Caisse des Dépôts (service gestionnaire de l’Ircantec) et le Groupe VYV4. En Bourgogne-Franche-Comté, par exemple, l’association a installé des dispositifs médicaux connectés au sein d’Ehpad afin d’assurer une prise en charge rapide des résidents et d’éviter d’inutiles passages aux urgences.
Des cabines équipées pour la téléconsultation
La téléconsultation en cabine donne accès à un médecin ou à un spécialiste à distance. Modulable, elle est facilement
installée dans divers lieux, tels que les pharmacies, les maisons de santé, les Ehpad, les mairies, les gares… L’avantage
par rapport à une téléconsultation à la maison : la cabine propose plusieurs outils connectés que la personne manie
elle-même ou avec l’aide d’un assistant : tensiomètre, stéthoscope, otoscope, pèse-personne, oxymètre de pouls… Ces derniers aident le médecin dans son diagnostic.
L’itinérance, une solution concrète pour lutter contre les inégalités de santé
Benoît Levasseur, Coordinateur administratif du centre de santé mobile Médicobus en Seine-Maritime.
« Depuis avril 2024, notre Médicobus sillonne les routes du territoire de Dieppe. L’objectif est d’aller vers les habitants sans médecin traitant ou en affection longue durée et dans les territoires où l’accès aux soins est le plus difficile en raison du manque de professionnels de santé. Douze médecins à la retraite font « tourner » le bus dans sept communes, tout au long de la semaine. Les mairies mettent à disposition une salle pour recevoir les patients au chaud et gérer les démarches administratives auprès d’un assistant médical.
Ce sont surtout des gens qui n’ont pas de moyen de transport, qui viennent consulter, mais aussi des personnes âgées isolées. Le bouche-à-oreille fonctionne très bien. Sur le territoire national, une centaine de ces centres mobiles seront à terme déployés dans les territoires ruraux. Les retours sont enthousiastes, il faut continuer. »
FAVORISER L'ACCÈS AUX SOINS
Le dossier complet
Vieillissement de la population, déserts médicaux, départ à la retraite des praticiens, augmentation des coûts… de plus en plus de citoyens ont des difficultés à accéder aux soins. Quelles sont les solutions qui se mettent en place et comment maîtriser ses dépenses de santé ?
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Texte de Christophe Polaszek
1 En France, les maisons médicales sont passées de 1 322 structures en 2017 à 2 501 à décembre 2023. L’objectif est d’atteindre 4 000 maisons de santé en 2027. Source : ministère de la Santé et de l’Accès aux soins.
2 À savoir : les plaies simples, les piqûres de tique, les cystites, les brûlures au premier degré, les douleurs pharyngées et les conjonctivites.
3 Le délai tombe à 8 jours pour un dermatologue, au lieu de 36 jours, et à 7 jours pour un cardiologue, contre 42 jours. Enquête réalisée à partir des données de la plateforme Doctolib en 2023.
4 Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de la direction des politiques sociales de la Caisse des Dépôts.fr