Actions itinérantes pour lutter contre les déserts médicaux
Le Jeudi 21 septembre 2023
Informer, dépister… ou simplement être là. Des projets itinérants, portés par le monde associatif, permettent d’amener la santé là où elle fait défaut. Un premier pas vers un suivi à plus long terme. Rencontre avec le Dr Elias Amiouni, engagé dans le dispositif des MarSoins en Loire-Atlantique.
Pouvez-vous nous décrire le dispositif mis en place par l’association À vos Soins ?
Deux à trois fois par semaine, le camion des MarSoins* circule dans le territoire nord de la Loire-Atlantique et s’installe devant les mairies, sur les places de marchés, les écoles… L’idée : renouer le lien entre la population et le parcours de soins.
On commence par proposer un café ou un thé, un temps d’échange et d’écoute. Puis, celles et ceux qui le souhaitent peuvent passer un examen et faire des tests de dépistage sur place : bilan bucco-dentaire, dépistages, tests de vue ou d’audition… Pas de carte vitale ni de pièce d’identité. Consulter est facile et sans coût. Nous proposons aussi des actions thématiques sur des sujets aussi divers que le diabète, les droits des patients, la diététique ou la vie affective...Dans les 26 communes visitées, les habitants sont prévenus à l’avance par des affiches et une campagne d’informations.
Qui est à bord du camion ?
Le projet mobilise à la fois des bénévoles (conduite du camion et accueil des habitants) et une équipe pluriprofessionnelle de soignants (médecin, dentiste, allergologue, orthophoniste…). Je suis en charge des dépistages en dermatologie. J’utilise un dermatoscope et donne un premier compte rendu oral. Dans certains cas, les clichés sont envoyés au CHU et lus par une équipe de dermatologues qui m’apporte une réponse sous 48 heures. S’il y a une anomalie, je propose une prise en charge adaptée et préviens le médecin traitant. La dernière fois, des mélanomes ont été détectés chez deux personnes qui ont pu être traitées rapidement.
Les gens n’ont aucune réticence à être dans un camion, car les conditions d’examen sont très bonnes.
L’écoute et l’interaction y sont très importantes ?
Ce dispositif itinérant nous permet de capter un public souvent en dehors des radars, notamment en milieu rural. En supprimant le stress lié au déplacement en ville, nous instaurons plus facilement une relation de confiance. Parfois, la visite pour un dépistage se transforme en confidence avec l’équipe sur place. Les habitants se livrent sur leur quotidien, leur parcours de vie qui peut s’avérer dramatique dans certains cas. À cette écoute bienveillante s’ajoute, dans la moitié des cas, une orientation vers un autre professionnel de santé (dentiste, ophtalmologue…). Les personnes repartent avec un bilan écrit, une feuille de préconisations et la liste de tous les spécialistes qu’elles peuvent contacter.
Un remède aux déserts médicaux ?
Dans notre territoire, le dernier dermatologue est parti à la retraite et n’a pas été remplacé. Même en ville, prendre un rendez-vous chez un dentiste relève du parcours du combattant. L’appellation « déserts médicaux » n’est d’ailleurs plus réservée qu’au monde rural. Beaucoup de quartiers en subissent les effets. Face à ces constats de plus en plus alarmants, nous explorons avec la Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS)** que je préside, de nouveaux modèles de santé à l’échelle locale. Le dispositif des MarSoins est indiscutablement une solution pour désenclaver un territoire. Le camion ne se désemplit pas. Preuve s’il en est que le médical et le social forment une même et seule demande, trop souvent insatisfaite.
* MarSoins pour Mobilité, Accessibilité et Réduction des inégalités de soins.
** Les CPTS coordonnent l’ensemble des professionnels de santé sur un même territoire. Des professionnels de santé se regroupent autour d’un projet de santé. Ce dispositif facilite leur travail et améliore la prise en charge des patients.
En savoir plus
L’association À vos soins œuvre pour un égal accès pour tous aux soins de premier recours. Le camion des MarSoins est en partie financé par l’ARS des Pays de la Loire, les collectivités et des partenaires privés. Le public peut aussi faire un don (ouvrant droit à une réduction d’impôt) sur le site de l’association.