Autosuffisance alimentaire : laissez pousser !

Le Lundi 5 juin 2023

J’ai descendu dans mon jardin ! – Découvrir des savoir-faire, se ressourcer, travailler dehors quelques heures par semaine en échange de bons légumes, mais aussi créer des occasions de partage et d’échange : c’est tout le principe des jardins nourriciers.

Illustration d'un potager cultivé en permaculture

Pendant le confinement, les Français ont eu davantage de temps, ils ont jardiné et en ont profité pour étendre leur surface cultivée et pour planter de nouvelles choses – notamment des pommes de terre, qui ont besoin de plus d’espace. Pas étonnant que le nombre de jardins ait grimpé : il y aurait 17 millions de jardiniers amateurs en France, et presque un Français sur deux (45 % exactement) posséderait un bout de jardin.

Pour certains, cette pratique est une manière de questionner leurs besoins et d’expérimenter un autre mode de vie. Promouvoir une chaîne alimentaire « de la graine à l’assiette », mais surtout permettre de revenir à l’essentiel par l’alimentation, et de recréer un lien avec la nature, chaque jour. Venir récolter les betteraves, et voir que les fenouils, juste à côté, ne sont pas encore prêts… Le but étant d’arrêter de déléguer systématiquement sa santé, son alimentation, tout en éveillant ses papilles.

Un loisir avec du sens

Les différentes crises successives, sanitaires et énergétiques, ont aussi pointé les limites du marché alimentaire. On exploite des ressources à l'autre bout du monde alors qu'il est possible de se nourrir localement. 

Le dérèglement climatique et l'effondrement de la biodiversité montrent l’urgence à changer de modèle agricole.

C'est le constat de Lorraine Agofroy, architecte paysagiste à la retraite – mais avant tout jardinière ! –, a fondé en 2012 une pépinière à Autrans, sur le plateau du Vercors. 

Portrait de Lorraine Agofroy, fondatrice d'une pépinière à Autrans

Potagers urbains

Ses poules lui procurent des œufs, les potagers qu'elle a aménagés sur les terrasses de son terrain sont plantés selon les principes de la permaculture*. Fruits, herbes et baies complètent son alimentation, avec des produits laitiers et de la viande qu'elle doit acheter. « En pleine saison, je suis pratiquement autosuffisante. L’hiver, je mange des conserves de légumes soigneusement préparées l’été. J’ai plus de 300 pots en stock ! J’aime réaliser plein d’essais d’acclimations de plantes. L’année dernière, j’ai même réussi à faire pousser des artichauts, ici, à 1 000 mètres d’altitude. Moi qui en raffole ! »

Abandonner la société de consommation pour revenir à une forme de « sobriété gourmande ». Ce mouvement s’enracine aussi de plus en plus dans les villes et Christine Aubry, responsable d’une équipe recherche à l’Inra sur les agricultures urbaines le souligne :

Du jardin d’ornement transformé en potager nourricier, on assiste à une forte demande de la part des citadins pour faire pousser des choses à manger. Il peut s’agir de classes défavorisées qui veulent, par exemple, cultiver des fraises parce que c’est trop cher dans le commerce, mais aussi des classes moyennes qui cherchent à réduire leur bilan carbone. 

De jardin en jardin, les cartes des villes se mouchettent ainsi de mini terres agricoles. Cours de récré, toitures des copropriétés, lopins privés en pied d'immeubles, balcons nourriciers, friches en attente de construction…Le phénomène gagne des lieux de plus en plus divers. Certaines initiatives prolifèrent de manière collective, tel le mouvement des Incroyables Comestibles dont l’objectif est de faire de la ville un grand jardin en libre-cueillette en mettant à disposition des fruits et légumes cultivés par les habitants sur des petits espaces verts. À Metz, 29 de ces jardins, de toutes tailles et de toutes natures (un bac devant un portail, un espace vert sur le campus de l’université…) émaillent ainsi le territoire. De quoi séduire les adeptes d’une autre forme de société…

Multiples vertus

Mais l'autonomie alimentaire est-elle possible ? Pas à l'échelle d'un foyer, Lorraine Agofroy le sait d'expérience : en 2012, une grande partie de sa récolte de fruits a été détruite par un coup de gel tardif. Il est donc essentiel de pouvoir s'appuyer sur des voisins qui disposent de ressources complémentaires. « L'idée, c'est vraiment de se mettre en réseau, de se connecter les uns les autres pour échanger aussi des savoir-faire»

L’expérience est également enrichissante pour toute la famille. Le comportement alimentaire des petits enfants change, ils se mettent à manger des légumes.

Et puis le jardin est un support pour retrouver un ancrage dans le temps, reprendre un rythme grâce aux saisons, aux semis. Même en faisant pousser quelques aromates sur un balcon, on se rend compte de l’attention que cela requiert et peut-être du sentiment d’être utile et d’une envie de consommer autrement par la suite 

Lorraine Agofroy prendra d'ailleurs ses vacances en automne pour passer l’été au jardin et ne pas manquer la meilleure saison.

 

* Principes de la permaculture : laisser un écosystème vivre par lui-même en limitant l’intervention humaine, prendre soin des hommes et de la terre, produire et partager équitablement les ressources.

 

Des livres pour aller plus loin

  • Jardiner sans se fatiguer, Ruth Stout, Éd. Tana, 2023
  • Mon potager pouvoir d'achat. Produire plus pour acheter moins, Maud Roulot, Éd. Tana, 2023
  • La permaculture sans courbatures, Patricia Beucher, Éd. Terres vivantes, 2023
  • Permaculture, le manuel pour un jardin vivant et productif, Julie Bernier, Éd. Solar, 2023
  • En route vers l'autosuffisance alimentaire, Robert Elger, Éd. Rustica, 2021