Cévennes : Le chemin de Stevenson, un supplément d'âne

Le Mercredi 30 août 2023

Pour oublier une femme aimée, l’écrivain Robert Louis Stevenson parcourt les Cévennes avec son âne, en 1878. Et chemin faisant, ouvre la voie aux amoureux de la marche dans des paysages grandioses frappés par l’histoire.

Un paysage vallonné

Automne 1878. Du village du Monastier-sur-Gazeille en Haute-Loire, Robert Louis Stevenson (1850-1894) entama son périple qui le mena 12 jours plus tard jusqu’au village de Saint-Jean-du-Gard. L’écrivain écossais connaissait des difficultés financières. La femme qu'il aimait venait de le quitter – une artiste américaine qu’il finira néanmoins par épouser deux ans plus tard. Il chargea alors sur son ânesse Modestine une miche de pain noir, un sac de couchage, des livres, quelques bouteilles… et un précieux carnet de notes ! De son récit, Voyage avec un âne dans les Cévennes, publié l’année suivante, naîtra un siècle plus tard le fameux GR70, un sentier pédestre long de 270 kilomètres qui relie le Massif central au Midi, à travers l’immense et sauvage territoire des Cévennes.

Paysages volcaniques

L’aventure débute par une lente montée vers les hauts plateaux du mont Mézenc. La route qui sillonne vers des landes de bruyères trouées de roches débouche au Bouchet-Saint-Nicolas, première halte de l’écrivain où sa figure sculptée dans le bois désigne fièrement le passage aux marcheurs. Non loin de là, le beau lac de cratère de 44 hectares, lové dans une pinède à 1 000 mètres d’altitude, rappelle le passé tourmenté de cette région volcanique. À peine plus de cinq kilomètres après Pradelles, superbe bourg médiéval (classé parmi les Plus Beaux Villages de France) niché entre les gorges de la Loire et de l’Allier, le sentier quitte le Velay pour entrer en Gévaudan où, bien avant le passage de l’auteur de L’Île au trésor (1882) ou L’Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde (1886), la bête terrorisa les campagnes. Après une série de montagnes russes harassantes, l’arrivée sur Langogne, village riche de ses cinq tours fortifiées, d’une somptueuse église romane (XIIe siècle) et d’une halle aux grains exceptionnelle (XVIIIe siècle) invite à la détente. Après avoir pesté contre les indocilités de Modestine, l’écrivain y goûta enfin la sérénité et le plaisir simple du dépaysement absolu.

Au cœur des Cévennes

Toujours du nord au sud, le sentier se poursuit vers le pic de Finiels (1 699 mètres), point culminant du mont Lozère d’où le panorama, par temps clair, s’étend sur les monts Mézenc, Aigoual et parfois le Plomb du Cantal. L’isolement narré par Stevenson devient palpable à mesure que le marcheur s’enfonce dans les vallées boisées de châtaigniers, témoins tragiques de l’insurrection camisarde du début du XVIIIe siècle. Un peu plus bas, Pont-de-Montvert, bijou d’architecture médiévale des rives du Tarn, fut d’ailleurs un des grands fiefs protestants. C’est là, en 1702, que débuta la répression menée par les soldats du roi. Une épopée sanglante, féroce, dont témoignent les beaux villages : Florac, capitale du parc national des Cévennes, et le long de la vallée du Gardon, Saint-Germain-de-Calberte et enfin Saint-Jean-du-Gard où Stevenson y vendit, à regret, son âne. Ici, s’achève son récit. À chacun d’écrire le sien.