Les mains froissées, les visages parcheminés, les regards usés… voilà ce qui fascine Arianne Clément. Depuis une dizaine d’années, la photographe québécoise capte le grand âge avec humanité et sensibilité.
Toute petite, j’observais les mains de ma grand-mère, je trouvais ça magnifique, alors qu’elle trouvait ça horrible ! Parce qu’il y avait des traces de travail. Elle avait de l’arthrite, les doigts abîmés. Moi, je trouvais que ça exprimait tellement d’expérience.
Dans sa série L’art de vieillir, l’artiste immortalise des moments tendres entre des couples âgés et magnifie les regards complices. Sur ses photographies en noir et blanc, elle interroge tout un rapport au corps, à la vieillesse et à la sensualité.
J’avais un amoureux italien ; je me souviens avoir pris à l’improviste des photos romantiques de ses grands-parents. La famille était très émue. C’était une preuve du profond amour qui les attachait. J’ai alors réalisé à quel point les personnes âgées étaient sous-représentées dans la société.
À la fois émouvants et réjouissants, ses portraits racontent aussi des vies et mettent en avant des personnalités à part entière comme Marie-Berthe, qui reste coquette et facétieuse à 102 ans. Pour obtenir ce résultat, Arianne Clément confie passer du temps avec ses modèles.
Je veux qu’ils soient fiers du résultat. Il n’y a rien de plus beau qu’une personne qui s’accepte et s’assume avec toute son histoire, ses rides et ses cicatrices.
Légende de l'image de gauche : la photographe a saisi ce baiser entre son grand-oncle Roland et sa grand-tante Berthe à l’occasion de leur 70e anniversaire de mariage. ©Arianne Clément
« DES PHOTOS POUR CÉLÉBRER LA VIE »
Lyette Archambault, 80 ans, a posé pour l’artiste Arianne Clément, n’hésitant pas à se mettre à nu pour dénoncer les clichés.
J’ai découvert le travail d’Arianne Clément à travers des reportages. J’ai immédiatement été séduite par son projet de rendre visibles les corps des aînés… qui ne sont pas des corps qui s’affichent d’ordinaire dans les magazines. Je me suis dit qu’avec mes rides et mes rondeurs, je serais le modèle parfait ! J’ai sauté le pas. Je l’ai contactée. Elle s’est rendue chez moi pour me rencontrer. Une jolie complicité est née. Je ne regrette absolument pas cette séance. C’est une chance, de vieillir, pourquoi devrais-je me cacher ? Certes, je n’ai plus le corps de mes 20 ans, mais je suis convaincue que la sensualité n’est pas l’apanage d’un corps jeune, lisse et ferme. C’est surtout une question de tempérament et de confiance en soi.
Mon époux m’a totalement suivie dans ce projet. Il m’accepte telle que je suis, avec mes défauts et mes qualités. À tout âge, nous avons besoin de tendresse et de nous sentir aimés. J’ai aussi reçu beaucoup de témoignages et de messages de soutien. Les gens me disent avoir moins peur de vieillir. C’est très valorisant. Je pense que nous avons une responsabilité à l’égard des générations qui nous suivent. Les jeunes ont besoin de se projeter avec des images positives de la vieillesse ; même quand, physiquement, ça craque un peu à droite et à gauche, on peut être épanoui et se réaliser à travers de nouveaux projets.
Légende de l'image au-dessus : Lyette Archambault pose au naturel pour la photographe à découvrir dans la série "L'Art de vieillir". ©Arianne Clément
LA BIOGRAPHIE
Titulaire d’une maîtrise en photographie de l’Université des arts de Londres, Arianne Clément consacre son art aux aînés. En 2018, sa photo de Christine et Paul, un couple âgé entrelacé dans leur lit, est devenue virale et l’a fait connaître à travers le monde.
Pour en savoir plus :
Retrouvez le travail et les projets d’Arianne Clément sur son site www.arianneclement.com
Texte de Christophe Polaszek.