Vieillir ou conduire : faut-il (vraiment) choisir ?
Le Vendredi 21 mars 2025
Il n’y a pas d’âge limite pour conduire en France. Cependant, certaines difficultés liées au vieillissement diminuent les capacités à évaluer les dangers sur la route. Comment en avoir conscience et prendre les mesures nécessaires pour continuer à rouler sereinement ?
En France, les automobilistes sont appelés à évaluer eux-mêmes leur aptitude à la conduite. Concrètement, cela signifie qu’à la première alerte, un conducteur doit, quel que soit son âge, son état psychologique ou physiologique, avoir le réflexe de se dire : est-ce que je peux conduire ?
Sylvie Bonin-Guillaume, professeure de gériatrie à l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM) et membre suppléante au Conseil national de sécurité routière (CNSR), précise d'ailleurs :
Les enquêtes auprès des seniors ont montré qu’ils sont parfois très attachés à la voiture. Notre rôle est de les inciter non pas à ne pas conduire, mais à prendre en compte les difficultés pour les compenser.

Adapter sa mobilité
Dans la plupart des cas, il est possible de compenser ces altérations en modifiant quelques habitudes, comme éviter de conduire la nuit ou par mauvais temps. De nombreux distracteurs rendent la conduite moins sûre. Ainsi, la sonnerie du portable, la radio ou les panneaux publicitaires sur les bords de route peuvent provoquer une baisse de la vigilance dont il faut avoir conscience. Sans oublier de bien ajuster son siège pour éviter l’apparition de douleurs et une fatigue plus rapide. Quant aux itinéraires, ils peuvent être planifiés afin de contourner les zones difficiles.
Côté technologie : de nombreux dispositifs d’aide à la conduite sont aujourd’hui disponibles sur la plupart des véhicules - boîte de vitesses automatique, radars et caméra de recul, aide au stationnement, régulateur de vitesse adaptatif, alerte d’assoupissement… Attention toutefois à leur manipulation. Ces équipements facilitent l’usage de la voiture, mais l’adaptation peut être difficile, comme l’indique Sylvie Bonin-Guillaume :
L’achat d’un nouveau véhicule peut être un motif d’arrêt de la conduite - la personne n’a plus ses repères ! Mieux vaut effectuer ce changement avant d’atteindre un certain âge.
« Prudence aves les médicaments »
Fabien Besançon, médecin généraliste
Certains médicaments présentent, à des degrés divers, des risques pour la conduite. Les séniors sont particulièrement exposés puisque ce sont eux qui en consomment le plus. Dans la majorité des cas, il s’agit d’effets sur la vigilance mais aussi parfois, sur la vision, la coordination des mouvements ou le comportement. Parmi les plus courants, citons les tranquillisants, les somnifères et les antidépresseurs, ou encore les médicaments pour le cœur, contre le rhume et la toux.
Sachez que les médicaments en vente libre ne sont pas dénués d’effets, comme les sirops contre la toux qui contiennent des opiacés et peuvent provoquer une somnolence et des vertiges. Tous les médicaments concernés sont classés en trois niveaux de vigilance, identifiables par un pictogramme sur leur conditionnement.
La prise simultanée de deux ou plusieurs de ces médicaments potentialisent les effets, que l’alcool - même à faible dose – renforce. En cas de doute, prenez l’avis de votre médecin ou de votre pharmacien.

Remise à niveau
Enfin, des ateliers et stages de remise à niveau pour seniors sont de plus en plus proposés par les collectivités territoriales, associations, mutuelles et assureurs. Ils servent à rafraîchir les connaissances sur le code de la route et à partager les expériences dans des sessions en petits groupes. L’évaluation des aptitudes se fait à travers un questionnaire et des simulations de conduite. Pas d’inquiétude : il n’est pas question de retirer le permis en cas d’erreur, mais bien de permettre de le garder le plus longtemps possible !
* Bilan provisoire 2023 de l’Observatoire nationale interministériel de la sécurité routière.
**Données établies entre 2011 et 2021, L’accidentologie des seniors, Observatoire départemental de la sécurité routière du Rhône, 2022.
Un enjeu majeur
Selon la sécurité routière, 884 personnes âgées de 65 ans et plus ont péri sur les routes françaises en 2023, ce qui représente 28 % du total des décès routiers, alors qu’ils ne constituent que 20 % de la population*.
Cette situation s’explique pour partie par une plus grande fragilité physiologique. En cas d’accident grave, les chances de survie diminuent avec l’âge : à titre d’exemple, dans le département du Rhône, pour 100 blessés sur la route, on compte deux décès chez les moins de 65 ans, quatre décès entre 65 et 74 ans, et huit décès pour les personnes de 75 ans et plus**. Sylvie Bonin-Guillaume rappelle ainsi :
Pour autant, l’âge n’est pas un facteur en soi qui doit faire arrêter la conduite. Ce sont plutôt les parcours de santé et les éventuelles maladies associées qui vont impacter les capacités des automobilistes.
Les troubles à identifier
Avant tout, certains signes liés au vieillissement doivent alerter, comme l’indique sur son site la sécurité routière :
- diminution de l’acuité visuelle
- temps d’accommodation plus long entre la vision de près et la vision de loin
- altération de la perception des contrastes, des couleurs et de la luminosité
- rétrécissement du champ visuel
- sensibilité accrue à l’éblouissement : à 25 ans, l’œil récupère d’un éblouissement en 10 secondes, après 40 ans, il faut deux minutes !
- baisse de l’audition : discerner les sons et localiser leur origine sont plus difficiles
- augmentation (légère) du temps de réaction
Au moindre doute, il est primordial de se poser les bonnes questions et d’en parler à son médecin traitant. De même, une visite chez un ophtalmologiste est conseillée tous les deux ans après 65 ans, et ce, même si l’on ne porte pas de lunettes.
Vous pouvez souffrir d’un trouble visuel sans forcément vous en rendre compte. Cette visite permettra de détecter d’éventuelles maladies comme la cataracte dont l’opération améliore immédiatement la vue .
« Je suis loin d’avoir levé le pied »
Geneviève Aubert, 83 ans, retraitée à Annecy
Depuis les problèmes de santé de mon mari, je conduis davantage. Les longs trajets ne me font pas peur. Comme à la retraite, on a la chance de pouvoir partir quand on veut, on évite la circulation et les camions. Conduire est un plaisir. Je trouve qu’il y a eu des progrès en matière de sécurité - la signalisation est bien meilleure. En revanche, je dois faire plus attention en ville, notamment aux trottinettes qui peuvent débouler à tout instant.
Avant mon opération de la cataracte, j’étais gênée par les éblouissements des phares. Ça va mieux. J’évite cependant de conduire la nuit ou par temps de pluie. Si mon mari reprend le volant, j’aimerais qu’il suive quelques cours pour être tout à fait rassurée.
